3 oct. 2015

ESCALE A CASTELBOUC

En août, parti à la recherche d’un peu de fraîcheur, de calme et de quiétude, j’ai trouvé un coin de verdure entre de respectables pierres médiévales qui témoignent des légendes chères à notre cœur d’enfant. Au cœur de la Lozère, pays ou les corbeaux tourne casaque à la misère j’ai aperçu sur le belvédère entre Saint-Énimie la pieuse et Florac la baba-cool, un roc fièrement dressé en aplomb dont les pieds chatouillent un méandre du Tarn qui coule paisiblement en cette saison de randonneurs et de kayakistes qui dévalent et arpentent le cause Noir, le Méjean et qui trace vers Mende pour faire leurs courses.

EN ESCALE A CASTELBOUC

Dans cet écrin minéral, troglodyte et authentiquement restauré par quelques pionniers dans les années 70 et 80 que l’on dénomme CastelBouc, j’ai passé quelques jours alangui et surpris dans cette faille spatio-temporelle, ici la vie file au gré des apéros quasi-méridionaux sur les terrasses des Castelbounels qui vous tolèrent ou vous invitent, si vous le méritez. Quoi qu’il en soit, vous vivrez ici une autre vie, loin du Web, des mobiles et de l’exigence de réussir ses vacances. 

VIRILE HISTOIRE LOZERIENNE ET MEDIEVALE

 « Au temps des croisades », m’explique Philippe, l’adjoint au chef du village, (ici le statut de Chef du village est difficile à appréhender), le seigneur du Roc assuma l’héroïque mission de satisfaire par ses ardeurs, les désirs de l’ensemble des veuves, jouvencelles et patronnes pour pallier aux gugusses parti mourir en Palestine en la lointaine Jérusalem. Notre châtelain pourtant aguerri et volontaire mourut à la tâche, et l’on raconte qu’à l’heure de son trépas, un bouc traversa un bref instant la voûte céleste au-dessus du château. Les armoiries du village témoignent de cet événement, le bouc figure en bonne place sur le blason que les anciens de la région et Madame Firmin en particulier pourraient vous détailler avec une précision d’orfèvre. Un mémoire traite précisément de l’histoire du village, si vous rencontrez également Mr. Molitor, au détour d’une rue pavée ou près du pont qui mène au sentier de randonnée, il vous parlera des monuments de France, de la cohérence architecturale du lieu, de la recherche de financement auprès de diverses fondations pour restaurer le château. 
 
 
ICI DES PIONNIERS ONT RAVI LE ROC
Ici les résidents sont tous passionnés de leur village. Ils ont reconstruit Castelbouc avec l’envie de redorer le blason du châtelain méritant. Qu’ils soient Marseillais, Gardois ou Nordistes, tous ses cosmopolites ont leurs racines réelles ou rapportées, ici, à CastelBouc. Les enfants jouent ensemble depuis plusieurs années déjà, ils ont renommé jusqu’au moindre rocher, pic ou lieu dit, ils ont grandi, joué dans des gours, dans la rivière, dans des souterrains secrets.

D’ailleurs une saignée dans la roche vous mène dit-on aux enfers par la rivière souterraine. Le soir, la place du village vibre et résonne sous les pas des ribambelles d’enfants et d’ados qui jouent à cache-cache dans les ruelles et qui usent un peu plus le panneau de basket riveté sur le roc, face à la chapelle. Ce spot, sert de base pour faire des paniers miraculeux. Le virus, on le chope vite ici, tous les soirs, les jeunes sont ensemble sur la place jusqu’à tard, les anciens boivent l’apéro et font ripaille jusqu’à point d’heure. Un petit restau existe bien en entrée du village, près du pont qui sépare CastelBouc de la civilisation. Près du camping, on peut louer également des kayaks pour descendre le Tarn.

ICI ON EST FIER D'ETRE CASTELBOUNELS

La frontière c’est l’entrée du village ou nulle voiture n’accède, c’est à pied ou en carriole que l’on s’approvisionne. Pas de désagrément à cause des véhicules, seuls les randonneurs et les vététistes sont tolérés, à condition « qu’il ne jette pas de cacahouètes sur les terrasses » », les troglodytes du coin sont susceptibles, « ce n’est pas un Disneyland ici mais Castelbouc » ! « Le château est authentique, les maisons sont en pierre de taille, les toitures sont en lauze et l’on vit bien mieux à l’automne ou l’hiver à l’abri de murs épais, à l’abri près de la cheminée, à manger, champignons, châtaignes et boire le vin chaud à l’abri derrière les fenêtres minuscules et protectrices. » 

FETE VOTIVE DU 1er AOUT ET ASSOCIATION DE SAUVEGARDE

Le 1er août, c’est la fête votive, le Comité de sauvegarde du Château et du village, s’est réuni pour faire le point annuel en assemblée générale sur la question épineuse et coûteuse de l’assainissement des eaux usées qui pose problème dans ce village qui mériterait le classement parmi les plus beaux sites de France. Cette année pour la première fois depuis 20 ans, une élue communautaire s’est déplacée et à prêtée une oreille attentive aux questionnements légitimes des membres du bureau et des adhérents de la sauvegarde. M. Zapata René, président de l’Association pour la sauvegarde du site a rappelé aux nombreuses personnes concernées que des solutions existent, « quelles sont sans doute liées à l’aménagement du territoire et du ressort de la collectivité territoriale et notamment en lien avec le syndicat des eaux et la communauté de commune de Quézac qui ont la compétence conjointe technique et politique pour régler rapidement ce problème, et que l’on ne devrait plus tarder à trouver des financements conséquents ». Ce coin de Lozère attractif doit l’être pour la santé des touristes et des résidents. 
  QUE LA FETE COMMENCE
Après ce moment de sérieux nécessaire pour l’avenir du village, les bambins ont pu apprécier le spectacle de marionnettes de X, création d’une troupe gardoise d’Aubais, dans la Vaunage, près de Sommières, autre pays de château et de croisade. Entre burlesque et tendresse l’artiste marionnettiste a su ravir le cœur du public qui a ensuite assisté dans la foulée à un numéro d’acrobatie improvisé par un professionnel de la voltige. En vacances au village chez l’ami Julien, cet artiste circassien a fait son show sur une barre à 10 mètres du sol. Chapeau l’artiste ! Entre humour décalé et prouesses musculaires, ce sportif a attiré l’attention du public. Pour se remettre de toutes ses émotions, les 60 convives, adhérents de la sauvegarde ont festoyé jusqu’à tard dans la nuit sous un chapiteau prêté par la mairie. Allemands, Hollandais, méridionaux, natifs du coin et Portugais en villégiature chez l’habitant ont pu refaire le monde autour d’un bon repas organisé par Thierry, le chef du village, enfin un des chefs, je ne sais plus combien ils sont à être chef ou adjoint, c’est une armée mexicaine !
 
À l’heure du départ le 2 août dans l’après-midi après un dernier repas en compagnie des Castelbounels, j’ai pris conscience que je quittais un coin de paradis, un lieu unique dans un espace temps particulier ou la vie se conjugue au diapason de l’amitié, des apéros très tardifs et des nuits profondes et revigorantes.
À l’année prochaine sans doute.

 © Christophe PINTO

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